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Retable Trivulzio

Le retable Trivulzio ou Madonna Trivulzio est un tableau daté et signé de 1497 par le peintre italien de la Renaissance Andrea Mantegna, conservé aujourd'hui au Civico museo d'Arte antica du Castello Sforzesco de Milan.

Histoire Le retable a été transporté en procession depuis l'atelier de l'artiste à Mantoue jusqu'à l'église Santa Maria in Organo à Vérone avant d'être placé derrière le maître autel, lieu pour lequel il a été réalisé. Cela a été possible puisque peint sur toile, il a pu être enroulé autour d'un bâton et transporté très facilement.

On le connaît aujourd'hui sous l'appellation « Madone Trivulzio » d'après le nom de ses propriétaires entre 1791 et 1935, les marquis de Trivulzio. En 1935, l'état italien rachète l'œuvre et la place à Milan.

Durant la Seconde guerre mondiale, l'œuvre ainsi que d'autres ont été transférées vers des lieux secrets pour les protéger avant d'être redéposées à Milan.

On l'a très peu vue en exposition, on l'a montrée durant la triple exposition « Mantegna a Padova, Verona, Mantova », plus particulièrement à « Mantegna e le arti a Verona, 1450 - 1500 », exposition qui a eu lieu du 16 septembre 2006 au 14 janvier 2007, à l'occasion de laquelle on a replacé le tableau dans son contexte d'origine.

Description Le genre est facilement identifiable, il s'agit d'une peinture religieuse.

  • Au centre la Vierge Marie est assise, vêtue d'une robe rouge et d'un manteau noir qui couvre l'arrière de sa tête. Elle tient l'enfant Jésus sur son genou droit et une rose rouge dans la main gauche. Il est nu, lève la main droite, l'index et le majeur tendu, porte un collier rouge avec un corail en pendentif. Ces deux personnages sont placés dans une mandorle entourée de têtes de chérubins flottants dans des nuages qui parfois tendent à l'anthropomorphisme. Les chérubins deviennent nuages, les nuages deviennent chérubins.

  • Saint Jean Baptiste à gauche, plus bas, porte une tunique courte sous une robe d'ermite rouge laissant les jambes dénudées. Il tient une longue perche terminée en croix. Il porte les cheveux longs, bruns et une courte barbe sur un visage relativement jeune. Il point le doigt vers le couple du centre. Il a un lien très étroit avec Jésus, puisqu'il est son contemporain. Il est le prophète qui a annoncé sa venue et l'a désigné comme l'agneau de Dieu.

  • Saint Grégoire le Grand, un peu en retrait, porte une robe rouge ornée de scènes historiées, notamment une Nativité en bas près de l'ourlet, ainsi qu'un Christ au tombeau ressuscité près de l'encolure. Des figures de saints sur la bordure complètent les ornements. Sa tiare papale blanche est orfévrée, il tient une crosse dans la main gauche et un livre dans la main droite. Il est le 64e Pape, son sacre est raconté dans la Légende Dorée. Il rédige les Dialogues, ce dernier texte nous a permis de connaître la vie de Saint Benoît. Il est l'un des quatre pères de l'Église avec Saint Ambroise, Saint Augustin et Saint Jérôme. Représenté en habits pontificaux, il tient un livre afin de le reconnaître en tant que Père de l'Eglise.

  • À droite, au même niveau, Saint Benoît est vêtu d'un habit blanc, l'habit caractéristique des bénédictins, et porte une crosse blanche, quasiment identique à celle du saint en face de lui. Il est chauve et barbu. Son regard est porté vers l'homme devant lui. Sa présence est justifiée puisque ce sont des bénédictins qui ont commandé le retable à Mantegna. Cependant certains historiens y voient plutôt saint François, parce que le commanditaire portait ce prénom, Francesco Da Lisca. Des hypothèses voudraient également que le visage du saint soit un portrait caché de l'abbé Da Lisca.

  • Le dernier saint est plus âgé, il porte un manteau rouge très couvrant, à larges drapés, un chapeau de cardinal. C'est Saint Jérôme. Il tient un livre dans sa main droite et un plan d'église dans l'autre. Il est le moine traducteur de la Bible, c'est donc sans doute la Vulgate qu'il tient dans sa main droite. Il a vécu en ermite, mais on lui reconnaît la qualité de cardinal. C'est tout juste à cette époque, sous Théodose 1er que la charge de « cardinalis » apparaît. Tout comme Grégoire le Grand, il est l'un des quatre Pères de l'Eglise. Ici il a une posture suffisante, hautaine, presque princière. Il tient le plan de l'église de Vérone dans sa main gauche, telle qu'elle se présentait à la fin du XVe siècle. Sous les traits du saint, on a pu voir l'abbé Girolamo Bendadei (car portant le même prénom), instigateur d'une vaste campagne de restauration du sanctuaire véronais en 1481, mais ce sont encore une fois des hypothèses non vérifiées. → Dans le bas du tableau, trois anges coupés par le bord du tableau sont vus en légère contre plongée. Blonds, l'un tient un livre, ils chantent près d'un petit orgue.

Aux extrémités supérieures du tableau, un citronnier à gauche, un oranger à droite et des colombes, symbole de pureté et de paix, posées ou voletantes entre les deux parties végétales animent la composition.

→ Un phylactère est enroulé autour du tronc de l'arbre de gauche :

« HIC VENIT IN TES

TIMONIUM UT

TESTIMONIUM PE

RHIBERIT DE LUMINE M.T. »« Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière », afin que tous crussent par lui.

Au revers du phylactère quelques signes indiquent la phrase : « Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » phrase qui pourrait être prononcée par Saint Jean Baptiste (Agnus Dei).

→ Le tableau est signé et daté très précisément :

A. MANTINIA, PI (nsit) AN (no) GRACIEL 1497. 15 AUGUSTI.

« Andrea Mantegna a peint en l'an de grâce 1497, le 15 août. »

Composition En traçant les diagonales, on constate simplement qu'elle se croisent sur la figure de la Vierge. La médiane verticale notamment semble tracer un véritable axe de symétrie particulièrement visible par la séparation des saints en deux groupes, et par les deux crosses qui se répondent parfaitement.

Il a quelques obliques dans le tableau qui permettraient d'établir un point de fuite bien qu'aucun élément architectural ou linéaire ne vient réellement l'indiquer. Il serait placé très bas, vers le spectateur si on devait faire se rejoindre les lignes tracées.

Les dominantes verticales se ressentent dans les positions rythmées des saints, tous debout, tous campés sur leurs pieds cachés par leurs lourds vêtements, sauf pour saint Jean Baptiste. Cette verticalité donne un aspect monumental à ces personnages qui portent le regard vers nous, de toute leur hauteur. Ils forment comme 4 colonnes dont l'arche serait formée par la végétation.

Une composition géométrique se dégage également de l'ensemble, un triangle dont le sommet serait la pointe supérieure de la mandorle qui engloberait les saints et donc déborderait du cadre, ou qui enfermerait la Vierge en rejoignant les extrémités inférieures du tableau.

Les éléments végétaux forment également des triangles, à la manière de pans de rideaux qui dépasseraient du haut de la scène d'un théâtre. Ils ferment la composition en empêchant le regard de se porter au loin dans le fond bleu d'un ciel uni qui peut-être cache un paysage derrière ces figures monumentales et imposantes.

En prenant la figure de la Vierge seule, il est possible de l'inscrire dans un ovale, car cette figure pourrait faire l'objet d'une toile à part, comme une icône de Vierge en gloire.

Analyse À première vue il s'agit d'une conversation sacrée, c'est aussi ainsi que l'œuvre est nommée dans les ouvrages. Cependant plusieurs lectures sont possibles dans ce retable :

• Tout d'abord la conversation sacrée est manifestée par la présence des quatre saints accompagnant la Vierge. Les commanditaires ne semblent pas être représentés, alors qu'habituellement ils sont agenouillés au pied de la Vierge ou mêlés aux groupes des saints en signe de reconnaissance. Ici ce serait l'orgue qui aurait été choisi comme symbole de la présence des bénédictins. De plus la Vierge est souvent représentée seule, ici son fils est avec elle. Ce sont des indices permettant de déceler le triple sujet de l'œuvre.

• En effet, on a ici également une Vierge à l'Enfant. La présence de l'enfant Jésus bénissant, la proximité entre lui et sa mère, isolés des autres personnages dans leur mandorle surélevée en fait une scène mise à part. Ils ne sont pas touchés par la même lumière et leur regard ne se porte pas vers les saints, vers le bas, mais droit devant eux, les coupant encore plus du monde terrestre.

• Enfin, la figure de la Vierge peut être prise pour elle-même. Assise en gloire dans une mandorle rayonnante, les nuages remplacent le trône sur lequel elle est normalement placée mais elle est néanmoins élevée vers les nues par des chérubins, irradiant des disques de lumière autour d'elle, séparée du terrestre par un point de vue frontal différent de celui en contre plongée des saints. On a ici une assomption de la Vierge, thème compréhensible car ce retable devait être placé dans l'église le jour de l'Assomption, c'est peut-être même le thème principal que Mantegna a dilué avec les deux autres, en une grande synthèse des représentations de la Vierge. Le mélange des thèmes permet une triple lecture en une seule image, rapidement compréhensible pour les fidèles puisque l'œuvre a été réalisée pour être vue dans un lieu de culte public.

1497
Tempera on canvas
287.0 x 214.0cm
Q3428040
Image et texte reproduite avec la permission - Wikipedia, 2023