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Le Sacrifice d'Isaac (Le Caravage, Florence)

Le Sacrifice d'Isaac est un tableau de Caravage conservé à la galerie des Offices de Florence. Il représente un épisode biblique tiré de la Genèse, au cours duquel le patriarche Abraham s'apprête à sacrifier son propre fils Isaac afin d'obéir à l'injonction de Dieu ; mais un ange arrête son geste juste à temps. La scène est représentée à l'extérieur ; il s'agit de l'un des rares paysages peints par Caravage, et c'est d'ailleurs le dernier qu'il représente alors qu'il s'apprête à orienter son style vers des traitements plus sombres et intimistes. Bien que le thème soit déjà bien connu, certains aspects de son traitement pictural offrent une perspective inédite : en particulier, les attitudes du patriarche et de son fils sont tout à fait inhabituelles par rapport à l'iconographie religieuse de l'époque.

Le tableau est une commande du cardinal Maffeo Barberini, qui devient plus tard pape sous le nom d'Urbain VIII. Il s'agit d'une des nombreuses commandes de tableaux religieux que passent à cette époque de prestigieux commanditaires, avides d'obtenir une œuvre du peintre lombard dont la célébrité est devenue considérable à Rome au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Toutefois, Le Sacrifice présente de nombreux éléments stylistiques et thématiques qui le distinguent nettement des autres tableaux de chevalet que Caravage produit alors : ces particularités en compliquent la datation précise, qui s'étend selon les auteurs de 1597 à 1603, cette dernière date étant la plus couramment retenue. Après avoir été transmis au fil des siècles au gré des collections de la famille Barberini et de sa branche « Sciarra » en particulier, le tableau est finalement confié en 1917 aux Offices de Florence, où il est conservé depuis.

Une autre version de ce même thème apparaît dans un autre tableau qui appartient à une collection particulière à Princeton (États-Unis) ; toutefois, son attribution à Caravage est loin de faire l'unanimité parmi les historiens de l'art.

Composition Caravage apporte ici un grand soin à la composition. Le format horizontal, avec trois personnages en demi-figures, permet de focaliser l'attention sur les protagonistes : c'est un choix que Caravage applique à plusieurs reprises dans ses tableaux d'inspiration néo-testamentaire de cette période. L'action se développe dans une séquence horizontale, parallèle au plan du tableau ; une ligne rythmique continue se dessine grâce à la juxtaposition du bras de l'ange avec le corps d'Isaac. Cette trame de composition, souligne Matteo Marangoni, reste néanmoins simple et naturelle : « de l'ange au mouton », écrit-il, « les lignes vitales des figures se déroulent jusqu'à n'en former qu'une seule, tout accidentée […] ». Cet enchaînement des gestes et le croisement des regards contribuent à donner toute sa force à la composition.

On retrouve dans ce tableau (tant dans la composition d'ensemble que dans le thème et la disposition des personnages) le pendant symétrique de Judith décapitant Holopherne peint quelques années plus tôt ; mais d'après Alfred Moir, Le Sacrifice d'Isaac présente des personnages d'un modelé plus profond et qui évoluent plus librement dans l'espace du tableau. Dans son analyse esthétique de fond, le critique Michael Fried voit dans Le Sacrifice d'Isaac l'une des toiles les plus emblématiques de Caravage pour sa propension à requérir « un certain "en dehors" ou "au-delà" du tableau […] pour que l'œuvre fonctionne » : et il souligne que les personnages « [s'y assemblent] de façon presque programmatique ».

Cette composition s'organise autour de la main d'Abraham qui tient le couteau : c'est à partir de ce point de focalisation que rayonnent les axes sur lesquels sont placées les têtes. Celles des victimes sont à droite, celles des détenteurs du pouvoir à gauche. Le couteau concentre ainsi toute l'intensité dramatique de la scène, intensité encore accentuée par le contraste entre la lame noire et la chair blanche du jeune Isaac. Ce contraste de couleur et de texture se retrouve sur un autre point de tension, là où la rugueuse main d'Abraham comprime le cou et la joue de l'enfant. L'historien de l'art Stefano Zuffi perçoit dans cette relation physique la capacité de Caravage à activer à la fois le sens du toucher et celui de l'ouïe, à travers le gémissement d'Isaac. Sybille Ebert-Schifferer voit dans la tête d'Isaac hurlant un écho de l'étude d'expression de la fameuse Méduse. Alfred Moir souligne pour sa part l'expressivité des mains, qu'il s'agisse de celles de l'ange ou du patriarche qui immobilise son fils, ou qu'il s'agisse des mains invisibles d'Isaac qui est condamné à l'impuissance.

Caravage propose deux compositions symétriques, à environ cinq années d'écart.

1603 until 1604
Oil on canvas
104.0 x 135.0cm
00289182
Image et texte reproduite avec la permission - Wikipedia, 2023

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