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Les Ménines

Les Ménines (en espagnol : Las Meninas, terme désignant les demoiselles d'honneur et la beauté), également connu sous l'appellation La Famille de Philippe IV, est le portrait le plus célèbre de Diego Vélasquez, peint en 1656. Le tableau est présenté au musée du Prado de Madrid. La composition complexe et énigmatique de la toile interroge le lien entre réalité et illusion et crée une relation incertaine entre celui qui regarde la toile et les personnages qui y sont dépeints. Cette complexité a été la source de nombreuses analyses qui font de cette toile l'une des plus commentées de l'histoire de la peinture occidentale.

Ce tableau dépeint une très grande pièce du palais du roi Philippe IV dans laquelle se trouvent plusieurs personnages de la cour. La jeune infante Marguerite-Thérèse est entourée de demoiselles d'honneur, d'un chaperon, d'un garde du corps, d'une naine, d'un enfant italien et d'un chien.

Derrière eux, sur la gauche, Vélasquez se représente lui-même en train de peindre, regardant au-delà la peinture, comme s'il regardait directement l'observateur de la toile. Un miroir à l'arrière plan réfléchit les images de la reine et du roi en train d'être peints par Velázquez (ou peut être, selon certains universitaires, réfléchissant le tableau que peint Vélasquez représentant le roi et la reine). Par le jeu de miroir, le couple royal semble être placé hors de la peinture, à l'endroit même où un observateur se placerait pour voir celle-ci.

Au fond, le chambellan José Nieto apparaît à contre-jour, comme une silhouette, sur une courte volée de marches, tenant d'une main un rideau qui s'ouvre sur un incertain mur ou espace vide.

La peinture Les Ménines est reconnue comme l'une des toiles les plus importantes de la peinture occidentale. Le peintre baroque Luca Giordano a dit de cette peinture qu'elle représente la « théologie de la peinture » tandis que Thomas Lawrence la qualifia de « philosophie de l'art ».

Les peintres du XVIIe siècle en Espagne ne bénéficiaient que très rarement d'un statut social élevé. La peinture y était considérée comme une technique et non comme un art. Vélasquez est l'exception qui confirme la règle. Entré au service de Philippe IV en tant que peintre officiel du roi en 1623, il devient le curateur de la collection de peinture du souverain à partir des années 1640. Il semble avoir bénéficié d'un degré de liberté relativement inhabituel à ce poste. Il supervise la décoration intérieure du palais et est responsable de l'achat de tableaux pour le compte du roi d'Espagne. À partir des années 1650 Vélasquez est réputé en Espagne comme un fin connaisseur des arts. Le gros de la collection du musée du Prado, dont des Titien, des Raphaël et des Rubens, a été acquise et regroupée sous la curatelle de Velázquez. Il gravit les échelons de la cour de Philippe IV, il est anobli et nommé grand maître des appartements du Palais (aposentador mayor de Palacio) en 1651, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort en 1660. Le poste lui apporte une reconnaissance sociale et une aisance matérielle mais ne lui laisse que peu de temps pour la peinture. Pendant les huit dernières années de sa vie où il occupe ce poste il ne peint que peu d'œuvres, surtout des portraits de la famille royale. Quand il peint Les Ménines en 1656-1657, il est au service du roi Philippe IV depuis 33 ans.

Composition Selon un procédé habituel à l'époque pour organiser un groupe complexe de personnages, la toile est divisée en quarts horizontalement et en septièmes verticalement. Velázquez y présente 9 personnages, 11 si l'on compte la réflexion du miroir, et pourtant ils n'occupent que la moitié inférieure de la toile. À cette division de la surface de la toile s'ajoute une division par sept de la profondeur ajoutant à la complexité de la composition. Comme dans un décor de théâtre, les sept divisions de profondeur sont placées à intervalles irréguliers. La première division est composée par la toile et le chevalet sur la gauche et, sur la droite, le chien et le nain qui le réveille. La seconde division est composée de l'infante, de ses deux demoiselles d'honneur ainsi que de la naine. La troisième zone en profondeur contient Velázquez peignant, ainsi que la chaperonne et le garde. La quatrième zone contient le mur du fond et les tableaux accrochés, la cinquième zone est celle où se tient Nieto. La sixième zone est derrière Nieto et la dernière dans le miroir. Cette dernière zone peut être vue à la fois comme derrière le miroir mais également comme devant la scène représentée créant une zone où se tiennent à la fois le roi et la reine réfléchis mais également l'observateur de la toile.

Selon López-Rey, la peinture a trois points focaux : l'infante Margarita, l'autoportrait de Velázquez et les images réfléchies dans le miroir. En 1960, l'historien Kenneth Clark soutint que le succès de la composition est avant tout le résultat d'une maîtrise précise du jeu d'ombre et de lumière :

« Chaque point focal nous implique dans une nouvelle série de relations et, pour peindre un groupe complexe comme celui de Les Ménines, le peintre doit concevoir une échelle de relations qu'il doit appliquer à l'ensemble. Il peut se servir de toutes sortes d'artifices pour arriver à son but, la perspective est l'un d'entre eux, mais à la fin la vérité d'une impression visuelle complète ne dépend que d'une chose: la vérité dans la teinte. Le dessin peut être sommaire, les couleurs fades, mais si les relations entre les teintes sont vraies l'image, dans son ensemble, se tiendra. »

La profondeur et la dimension sont rendues par l'usage de la perspective avec un seul point de fuite, par la superposition des figures contenues dans les différents plans de découpage dans la profondeur, et comme remarqué par Clark par l'usage de teinte et de jeux de lumière. Ces éléments de composition interviennent de nombreuses façons dans la toile. Il y a tout d'abord la lumière naturelle dans la pièce principale et celle au-delà derrière la porte. L'espace pictural de la pièce est éclairé par ces deux sources : des fins rayons de la porte ouverte et une lumière plus vive de la fenêtre sur la droite. Le philosophe et critique Michel Foucault observe que la lumière de la fenêtre sur la droite éclaire à la fois l'avant plan de la scène représentée mais également l'endroit non représenté où devraient se situer le roi, la reine et l'observateur de la toile.

Velázquez se sert de cette lumière non seulement pour ajouter de la précision et du contenu à chaque forme mais également pour marquer les points focaux de la toile. La lumière venant de la droite fait briller la chevelure blonde de la naine qui est la plus proche de la source de lumière. Néanmoins, la tonalité générale de ce visage tourné vers l'obscurité fait qu'il n'est pas un point d'intérêt particulier de la toile. De même, la lumière en oblique sur le visage de la dame de compagnie de droite éclaire la joue mais pas les traits de son visage. Une bonne part de sa robe aux couleurs claires est obscurcie par les ombres. L'infante, par contre, se tient en pleine lumière et son visage est tourné vers la lumière bien qu'elle ne regarde pas dans cette direction. Son visage est encadré par la pâleur de ses cheveux qui la séparent du reste de l'image. La robe à panier ainsi que l'ombre qu'elle projette sur le sol soulignent la petite figure et la marquent comme le principal point d'attention de la toile.

L'infante est plus encore mise en évidence par Velázquez grâce aux positions et à l'éclairage de ses deux dames de compagnie qu'il place en opposition l'une de l'autre ; l'une devant à gauche et l'autre derrière à droite, encadrant l'infante. La dame de compagnie de gauche fait face à la lumière, son visage ainsi que sa manche forment une diagonale. La dame de compagnie de droite soutient l'importance de l'infante de manière plus large, mais moins intentionnée. Sa manche et son visage forment une deuxième diagonale qui, avec la première, encadrent et protègent l'endroit où se situe l'infante. Une troisième diagonale interne, marquée par la robe de l'infante, passe à travers elle et souligne plus encore son visage.

Les visages de Velázquez et de la naine regardent tous deux l'observateur de la toile d'un même angle créant une tension visuelle. Le visage de Velázquez n'est que faiblement éclairé par une lumière indirecte plutôt que directe. Il en résulte que les traits de son visage sont plus visibles, bien que moins éclairés, que ceux de la naine qui est bien plus proche de la source lumineuse. Le visage de Velázquez, visible dans son intégralité et regardant droit vers l'observateur, attire l'attention. L'importance de son visage est plus encore marquée dans les tons par le contraste entre ses cheveux sombres et la lumière venant sur le pinceau et sa main, ainsi que par les deux triangles clairs de sa chemise qui pointent directement vers son visage.

Nieto se tient sur la droite au fond, comme un écho, en opposition avec la forme de l'artiste : à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur, rendu clairement visible bien que difficilement identifiable par les jeux d'ombre et de lumière. La position d'une telle zone de fort contraste tonal, juste au fond du principal espace pictural, représenté par l'infante, est une tactique de composition audacieuse de la part de Velázquez. Les vives formes de lumière de cette zone sont similaires à celles de la demoiselle d'honneur sur la droite et l'encadrement bien défini de la porte reproduit le contour du miroir sur la gauche.

Le miroir est parfaitement défini par un pâle rectangle ininterrompu à l'intérieur d'un large cadre sombre. On ne peut pas distinguer les traits du visage du roi ou de la reine mais les ovales éclairés que forment leur figures sont clairement tournés vers l'observateur. La forme géométrique de leur visages éclairés de face attire plus l'attention que la figure géométrique brisée de la porte ou que les visages présentés en oblique et mal éclairés tels ceux du nain au premier plan ou de Nieto. Jonathan Miller remarque que bien qu'il y ait un « ajout d'une lueur suggestive sur les bords biseautés, le miroir trahit surtout son identité en présentant une image dont la brillance est tellement inconsistante avec le caractère sombre du mur qui l'entoure qu'elle n'a pu qu'être emprunté par réflexion aux figures fortement illuminées de la reine et du roi. »

Comme les dames de compagnie qui se réfléchissent l'une l'autre, le roi et la reine ont également leurs doubles dans la peinture : les figures peu éclairées de la chaperonne et du garde sur la droite. Ces doublures de la reine et du roi sont également des doublures de fonction : la chaperonne et le garde sont les deux qui ont à servir et protéger l'infante. La position de toutes ses figures sur une même ligne horizontale forme une répétition : un homme, un couple, un homme, un couple et, bien que les personnages sur l'extérieur soient plus proches de nous, ils occupent tous la même bande horizontale dans la peinture.

L'enfant à l'avant-plan, dont la main levée est comme un écho à celle de l'homme du fond, est, par son aspect joyeux, en contraste avec la scène centrale. Sa pose informelle, ses cheveux sombres et son profil obscurci font de lui une image en miroir de la demoiselle d'honneur s'agenouillant devant l'infante. Néanmoins le peintre l'a placé à l'avant-plan, devant la source de lumière, minimisant ainsi le contraste de ce personnage.

Cette toile est la seule toile de Velázquez où le plafond est représenté et est également celle où le rendu de l'espace architectural est le plus complet et ce malgré quelques ambigüités spatiales. Le peintre n'a jamais autant cherché à amener le regard dans des zones au-delà du regard de l'observateur selon López-Rey. On en peut qu'imaginer le canevas qu'il peint ainsi que la zone qui devrait se trouver à l'avant de la zone peinte et où se trouvent la reine et le roi. Le sombre plafond dépouillé, la toile que peint Velázquez, ainsi que le strict arrangement des peintures sur les murs contrastent avec l'entourage bien éclairé, animé et somptueusement peint à l'avant-plan. Stones écrit :

« Nous ne pouvons pas embrasser du regard tous les personnages de la toile. Non seulement les dimensions de cette toile peinte en taille réelle l'empêchent mais, de plus, les visages tournés dans des directions différentes font que notre regard est dévié. Cette peinture communique à travers des images qui, pour qu'elles soient comprises, doivent être considérées l'une après l'autre, dans le contexte d'une histoire qui se déroule. »

Description et interprétation La numérotation des personnages fait référence à l'image ci-contre

Le décor des Ménines est planté dans les appartements de Velázquez, au palais de l'Alcazar royal de Madrid, sous le règne de Philipe IV. Cette grande pièce est présentée, selon Silvio Gaggi, comme "une simple boîte qui pourrait être divisée en une grille de perspective avec un seul point de fuite". Au centre, à l'avant-plan, se tient l'infante Marguerite-Thérèse (1) alors âgée de 5 ans, portant une robe à vertugadin à rosette rouge et dentelles noires. Elle est accompagnée de deux demoiselles d'honneur : doña Isabel de Velasco (2), qui fait la révérence derrière la princesse, et doña María Agustina Sarmiento de Sotomayor (3), fille du comte de Salvatierra, à genoux devant, en train de présenter un plateau en or avec une cruche rouge posée (le bocaro) dessus et des gaufres ou des biscuits peut-être. À la droite se tiennent deux nains, les hombres de placer (« hommes de plaisir » souvent peints dans les portraits de cour, leur difformité servant à mieux mettre en valeur le physique des personnages principaux) : l'Allemande achondroplasique Maribarbola (4) (de son vrai nom Maria Barbola), et l'Italien, Nicolas Pertusato (5), qui s'amuse à essayer de réveiller un mâtin espagnol avec son pied. Derrière eux, se tiennent doña Marcela de Ulloa (6), la chaperonne de la princesse, habillée en deuil et discutant avec un garde du corps non identifié (7). Il semblerait que ce personnage non identifié soit Diego Ruiz de Azcona, écuyer des dames de la Cour.

À l'arrière droit, se tient Don José Nieto Velázquez (8), le chambellan de la reine et chef des ateliers de la tapisserie royale, et un possible parent du peintre. Nieto est montré prenant une pause, son genou droit replié, ses deux pieds sur des marches distinctes. Comme l'observe le critique d'art Harriet Stone, on ne peut vraiment savoir s'il est en train de sortir ou de rentrer. Il apparaît comme une silhouette sur une courte volée de marches et, contrairement à ce que décrivent Daniel Arasse et Michel Foucault dans leurs analyses du tableau, tenant d'une main non pas le rideau qui s'ouvre sur un mur incertain ou un espace vide, mais une poignée de porte étrangement située relativement bas à hauteur d'un enfant ou d'un nain. L'éclairage à contre-jour et la porte ouverte révèlent l'espace derrière Nieto et, selon l'historien de l'art Analisa Leppanen, attirent inévitablement notre regard dans les profondeurs. Le seul point de fuite de la perspective est derrière cette porte comme on peut le voir en prolongeant les lignes du plafond et du sol sur la droite. La réflexion du couple royal dans le miroir pousse dans l'autre sens, vers l'avant ou l'extérieur du tableau où se trouve le spectateur. Seuls le roi et la reine, qui partagent le point de vue du spectateur, voient Nieto qui n'est pas vu des autres personnages du tableau.

Velázquez (9) se peint à la gauche de la scène, regardant vers l'extérieur au-delà d'un large canevas soutenu par un chevalet. Sur sa poitrine se trouve la croix rouge de l'ordre de Santiago, ordre qu'il ne recevra pas avant 1659 trois ans après que la toile fut terminée. Selon Palomino (1724), Philippe IV a ordonné que cette croix soit ajoutée sur la toile à la mort de Velázquez. Cette retouche est peut-être l'œuvre du beau-fils de Vélazquez ou un des peintres de la Cour. Les clés de la charge de grand maître des appartements du Palais (aposentador mayor de Palacio) de Velázquez pendent à sa ceinture.

Un miroir sur le mur du fond réfléchit les bustes du roi Philippe IV (10) et de la reine Marie-Anne (11). L'interprétation la plus commune est que ce miroir réfléchit le couple royal en train de poser pour Vélasquez pendant que leur fille les regarde. Le tableau représente alors la scène telle qu'elle est vue par le couple royal en train de poser pour Velázquez.

Sur les neuf figures dépeintes, cinq regardent directement le couple royal (et donc également la personne en train de regarder la toile). Leurs regards, ainsi que la réflexion du roi et de la reine, soutiennent l'hypothèse de la présence du couple royal en dehors du cadre de la peinture. Une hypothèse alternative de l'historien H. W. Janson est que le miroir au fond réfléchit la toile de Vélazquez qui représenterait alors le couple royal. De nombreux critiques supposent que la scène est vue par le roi et la reine pendant qu'ils posent pour un portrait, tandis que l'Infante et ses compagnons sont là pour les distraire. D'autres soutiennent que Vélazquez se représente en train de peindre l'infante Margarita en se servant d'un grand miroir; le cas échéant, le miroir du fond lui réfléchirait l'arrivée inopinée du couple royal par une porte que lui cache sa toile. Aucune théorie en la matière n'est entièrement acceptée par tous.

Sur le mur du fond de la salle, plongé dans les ombres, sont accrochées des toiles dont une série de scènes des Métamorphoses d'Ovide peintes par Rubens et de copies de toiles de Jacob Jordaens peintes par le gendre et principal assistant de Velázquez Juan del Mazo. Les toiles sont placées exactement au même endroit que lors d'un inventaire d'époque. Sur le mur de droite, huit toiles, dont on ne voit que les cadres, sont disposées en grille.

Analyse L'aspect insaisissable des Ménines suggère, selon Dawson Carr, que « l'art et la vie sont une illusion ». Cette relation entre illusion et vie est un thème récurrent de l'art baroque espagnol du XVIIe dont le Don Quichote de Cervantes peut être vu comme l'exemple littéraire le plus connu. Dans cette optique, La vie est un songe, pièce de Calderón de la Barca écrite en 1635, est parfois vue comme l'équivalent littéraire de la toile de Vélazquez.

Jon Manchip White remarque que cette toile peut être vue à la fois comme un curriculum vitæ de la vie et de la carrière de Velázquez, et comme un condensé de l'état d'avancement de son art au moment de la peinture. Il place l'un des seuls autoportraits qu'on lui connait dans une pièce du palais royal, entouré de membres de la royauté, de courtisans, et d'objets qui résument sa vie à la cour. L'historienne de l'art Svetlana Alpers suggère qu'en dépeignant un peintre à l'œuvre en compagnie de la royauté et de la noblesse, Velázquez réclame de fait un statut social plus élevé à la fois pour l'artiste et son art et propose de considérer la peinture comme un art « libéral » et non plus « mécanique » comme à l'époque en Espagne. Ceci est d'une importance particulière pour Velázquez puisque le règlement de l'ordre de Santiago, qui lui sera remis en 1659 trois ans après que la toile fut achevée, excluait les membres dont le travail est lié aux arts mécaniques.

Michel Foucault consacre le premier chapitre de Les Mots et les Choses à une analyse en détail des Ménines. Son analyse insiste sur la mise en abyme : Velásquez s'est représenté en train de peindre le tableau que le spectateur voit (les dimensions du tableau réel correspondent à celui qui est peint à la gauche du tableau et parallèlement aucun double portrait du roi et de la reine n'a jamais été retrouvé dans les inventaires)[réf. souhaitée].

Dans son analyse de 2015, Xavier d'Hérouville rapproche davantage la toile de son appellation première, à savoir La Famille de Philippe IV, qui lui a valu à l'époque d'être qualifiée de « théologie de la peinture » par Luca Giordano, peintre contemporain de Vélasquez. Au travers de cette représentation, le peintre aurait conceptualisé le regard du divin sur sa création. Lorsque le spectateur se place devant la toile, en lieu et place du cabinet de travail du Roi auquel ce tableau était très exclusivement destiné, il se trouve instantanément investit du pouvoir divin, celui de « voir sans être vu » la Famille de Philippe IV. L'interface que constitue cette toile doit être dès lors considérée comme un « miroir sans tain » dans lequel chacun des protagonistes de cette représentation se regarde, et derrière lequel le monarque investit du pouvoir divin, et son épouse, peuvent à loisir et en toute discrétion contempler l'œuvre de leur vie, leur « Famille », au sens le plus large du terme. Plus loin encore, cette toile peut être non seulement vue comme un condensé de l'état d'avancement de son art au moment de la peinture, mais aussi comme un curriculum vitæ de la vie et de la carrière de Velázquez. Ce dernier ayant été jusqu'à se représenter dans cette « fresque » aux trois périodes clés de sa propre existence au sein de la Cour d'Espagne : en arrière-plan et à gauche, en tant que peintre du Roi, puis à droite cette fois, au cœur même de la Famille de Philippe IV, aux côtés de la gouvernante, en tant que valet de la chambre du Roi, et enfin au fond et au centre, campé dans les escaliers, en tant qu'Aposentador ou Maréchal du Palais, fonction suprême qu'il exerça en tant que meilleur ami et confident du Roi,

c. 1656
Oil on canvas
318.0 x 276.0cm
Image et texte reproduite avec la permission - Wikipedia, 2023

Présenté par

Musée du Prado
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Collection permanente