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Le Jardin des délices

Le Jardin des délices est une peinture à l'huile sur bois du peintre néerlandais Jérôme Bosch, appartenant à la période des primitifs flamands. L'œuvre est structurée en triptyque, format souvent utilisé par les peintres du début du XVe siècle jusqu'au début du XVIIe siècle dans la partie septentrionale de l'Europe. Elle est le plus souvent datée de 1490 à 1500, bien que des chercheurs en avancent la création jusqu'aux années 1480.

Le commanditaire n'est pas connu avec certitude mais le plus probable semble être Henri de Nassau-Breda et ce serait à l'occasion de son mariage en 1503 que le triptyque aurait été réalisé.

En 1517, le récit de voyage du chanoine Antonio de Beatis situe l'œuvre dans le palais de Nassau. Par le jeu des héritages, elle devient la propriété de Guillaume d'Orange, puis est confisquée par le duc d'Albe en 1567 qui l'emporte en Espagne en 1570. Ses descendants la cèdent à la couronne d'Espagne en 1593 et elle demeure au palais de l'Escurial jusqu'en 1939, date à laquelle elle est déplacée au musée du Prado où elle se trouve encore actuellement.

De nos jours, Le Jardin des délices constitue la plus célèbre des créations de Jérôme Bosch, notamment pour la richesse des motifs qui la composent. Pour cette raison, elle demeure très énigmatique et a fait par le passé l'objet de nombreuses interprétations ésotériques. La thèse de Wilhelm Fraenger selon laquelle cette peinture aurait été exécutée pour une secte comme les Adamites ou les frères du Libre-Esprit n'a plus cours. Les chercheurs en histoire de l'art s'accordent sur une lecture de l'œuvre en fonction de sa finalité : elle serait un speculum nuptiarum, c'est-à-dire un « miroir nuptial », servant à instruire les nouveaux mariés de l'importance du respect des liens du mariage. Toutefois, des recherches récentes la considèrent davantage comme un « miroir aux princes », c'est-à-dire une banque d'« images-souvenirs » provoquant la discussion entre les membres de la cour dans le but de les former moralement à leurs futures fonctions de gouvernants.

L'œuvre serait à lire de façon chronologique : les panneaux extérieurs présenteraient la création du monde ; le panneau de gauche décrirait l'union conduite par Dieu prenant la forme du Christ d'Adam et Ève, dans le Paradis ; le panneau central représenterait une humanité pécheresse avant le Déluge ; et le panneau de droite offrirait la vision de l'Enfer où les pécheurs subissent les affres de la torture.

Attribution et datation Le Jardin des délices est une œuvre difficile à attribuer avec une parfaite certitude et à dater avec précision. En effet, les historiens de l'art et les chercheurs se trouvent confrontés à plusieurs obstacles. Premier obstacle, l'œuvre ne comporte pas de signature. Néanmoins, celle-ci n'aurait pas constitué une preuve définitive de la main ayant créé l'œuvre puisqu'il est avéré que certaines productions signées de Bosch n'ont en fait pas été exécutées par lui mais par des membres de son atelier. Autre obstacle, les études dendrochronologiques portant sur le bois qui constitue les trois panneaux montrent que celui-ci remonterait à 1458, soit plusieurs dizaines d'années avant que l'œuvre puisse être réalisée, Jérôme Bosch étant né en 1450. Cela conduit à ce constat paradoxal : au vu de la date d'abattage de l'arbre, et même en tenant compte du temps de séchage, le triptyque pourrait tout aussi bien être une œuvre de jeunesse, alors qu'il est plutôt décrit comme une œuvre de maturité du peintre. Enfin, dernier obstacle, Le Jardin des délices n'est pas directement documenté : à ce jour, les recherches n'ont permis de retrouver ni commande écrite, ni facture. A contrario, après le succès du Jardin des délices et l'accession de Jérôme Bosch à une certaine renommée, les œuvres suivantes seront signées. De fait, le premier document évoquant le triptyque ne date que d'un an après la mort du peintre.

Il en découle que si l'attribution du Jardin des délices à Jérôme Bosch fait l'unanimité parmi la communauté scientifique, elle ne peut être confirmée que par des preuves indirectes. Ainsi, les chercheurs s'appuient sur une œuvre connue et documentée, Le Jugement Dernier, qu'ils utilisent comme base de comparaison : une thématique complémentaire ; une inspiration commune très forte, notamment dans les personnages monstrueux qu'il imagine et qu'un observateur décrit comme « souvent superposables » d'un tableau à l'autre ; ou une technique très proche, notamment dans le rendu des personnages et le choix des couleurs. Par ailleurs, les chercheurs s'appuient sur des témoignages de visiteurs de l'époque, dont le plus ancien est celui d'Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, et qui, dans son récit de voyage, décrit Le Jardin des délices lors de sa visite du palais de Nassau à Bruxelles en 1517, ce qui permet d'établir un lien entre l'œuvre, le peintre et la cour de Nassau.

Quant à la chronologie de création de l'œuvre, il est possible de l'estimer entre les années 1480 et 1505. Cette grande variation des datations estimées par les chercheurs s'explique par la faiblesse de la documentation.

Ainsi, au plus tôt, elle aurait été créée dès les années 1480 selon Bernard Vermet qui s'appuie sur les études dendrochronologiques et l'analyse stylistique. Néanmoins, cette conclusion est critiquée par de nombreux chercheurs. Leur argument principal est que le résultat de l'étude dendrochronologique ne constitue qu'un terminus post quem d'utilisation du support : en effet, parmi les œuvres contemporaines de Bosch, il arrive que la mise en œuvre effective du support soit chronologiquement très éloignée de sa fabrication. De plus, certains rétorquent à Vermet que l'absence de tout témoignage ou réaction (artistique ou autre) avant celui de De Beatis en 1517 est significatif pour une œuvre pourtant si riche et radicale. En outre, il apparaît que Bosch s'est fortement inspiré de certaines gravures de La Chronique de Nuremberg écrite par Hartmann Schedel, illustrée par Michael Wolgemut et Wilhelm Pleydenwurff, qui date de 1493. Il est donc possible de dater la création du Jardin des délices, en tenant compte du temps de diffusion de la Chronique jusqu'à Bois-le-Duc, à partir de 1494.

Cependant, des recherches récentes indiquent qu'au plus tard, l'œuvre ne peut avoir été créée après 1505 : les historiens de l'art, à la suite des recherches du généalogiste Xavier Duquenne dans la revue L'intermédiaire des généalogistes, s'accordent en effet à dire que le triptyque ne peut avoir été peint après 1505 du fait de la mort à cette date d'un des donateurs de Bosch.

De fait, les années entourant 1500 semblent être des années charnières en ce qui concerne cette création. Ainsi, d'après des analyses thématiques et de leur mise en œuvre, Le Jardin des délices daterait d'après 1500, le peintre y démontrant l'étendue et la maturité de sa production. Néanmoins, certains chercheurs rejettent cette dernière datation pour l'estimer plus précoce, le style boschéen ayant évolué dès avant cette date.

Dans ses recherches récentes, l'historien de l'art Reindert Falkenburg situe la création de l'œuvre vers 1498-1499. Pour cela, il s'appuie notamment sur le fait que Jérôme Bosch quitte Bois-le-Duc en mai 1498 pour une destination qui n'est pas formellement connue mais que le chercheur situe à Bruxelles. Or, le fait que le peintre donne procuration à un certain Johannes Greven pour la gestion de ses biens indique qu'il part pour une longue durée, soit le temps pour lui de créer Le Jardin des délices.

Néanmoins, s'attachant particulièrement au thème central du premier volet, la présentation d'Ève à Adam par Dieu, les chercheurs pensent volontiers que le triptyque a été créé à l'occasion d'un mariage et, pourquoi pas, celui de son commanditaire. Il s'agit de la thèse la plus souvent défendue par les chercheurs en histoire de l'art et il n'est guère que Reindert Falkenburg pour la réfuter. Deux possibilités émergent donc : le triptyque a pu être réalisé en 1496 à l'occasion du mariage de Philippe le Beau avec Jeanne la Folle, ce que retient notamment l'historien de l'art Erwin Pokorny ; ou bien il a été créé lors du mariage d'Henri III de Nassau-Breda en 1503, date vers laquelle penche une majorité de chercheurs. En tout état de cause, il semble bien que pour connaître la date de création du Jardin des délices, il faut connaître avec exactitude l'identité de son commanditaire.

Titre De nos jours, le titre donné au triptyque, Le Jardin des délices, est très largement partagé dans les pays occidentaux, si ce n'est dans le reste du monde.

Les chercheurs ignorent quel était le titre initial de l'œuvre et même si celle-ci en possédait un. De fait, la première mention de titre donnée à l'œuvre n'apparaît que près d'un siècle après sa création. À partir de là, l'œuvre est nommée en fonction du motif frappant de l'arbouse (qui apparaît à plusieurs reprises et à différentes tailles sur le tableau) ainsi que de son contenu (l'idée de description du monde). Ainsi, en 1593, lors d'un inventaire des objets appartenant au palais de L'Escurial, le triptyque apparaît comme « un panneau peint sur la diversité du monde », référence qui est complétée dans le même document par « peinture de l'arbousier ». Dans le même ordre d'idées, José de Sigüenza le considère, quelques années plus tard, en 1605, comme un « panneau de la vanité et de la brève jouissance des arbouses ou de l'arbousier ». Dans les mêmes années, le triptyque est également nommé selon un point de vue plus biblique : « Comme il en était aux jours de Noé » dans la description d'achat du tableau par l'archiduc Ernest d'Autriche en 1595 ; puis « L'humanité corrompue avant le Déluge » selon un inventaire des propriétés de son héritier réalisé en 1621.

Finalement, ce n'est que récemment que le titre Le Jardin des délices semble s'être fixé puisqu'il n'apparaît dans les différentes publications que depuis la fin du XIXe siècle, début du XXe siècle. Leur lecture et leur interprétation de l'œuvre ont pu conduire certains chercheurs à la renommer d'autorité, tel Wilhelm Fraenger qui, en 1947, l'appelle Le Royaume millénaire (en allemand : Das Tausendjährige Reich) mais sans réussir à imposer ce titre.

entre 1490 et 1500
Huile sur panneau
205.5 x 384.9cm
P002823
Image et texte reproduite avec la permission - Wikipedia, 2023

Présenté par

Musée du Prado
Musée du Prado
Collection permanente