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L'Astronome, ou plutôt L'Astrologue

Dans l'encoignure d'une pièce percée d'une fenêtre double (celle de gauche étant coupée par le cadre du tableau), et qui figure le cabinet de travail d'un astronome, un homme aux cheveux longs attachés derrière les oreilles, en ample robe de chambre bleue de soie dite « japonaise » (Dans la lumière de Vermeer), se détourne un instant du livre qu'il a ouvert devant lui et se lève de sa chaise pour consulter un globe céleste, qu'il fait tourner du bout des doigts en tendant vers lui sa main droite ouverte.

Sa main gauche reste appuyée sur le rebord de la table, recouverte d'une lourde draperie bleue aux motifs essentiellement végétaux, jaunes, rouges et verts.

Le point de fuite du tableau, situé légèrement au-dessus de la main gauche de l'astronome, quasiment au centre géométrique de la toile, concentre le regard du spectateur sur le geste suspendu.

L'astronome est entouré d'attributs de sa profession. Le globe céleste vers lequel il tend la main a été identifié comme celui réalisé par Jodocus Hondius en 1600 : il était alors vendu avec son équivalent terrestre — qui figure dans Le Géographe et L'Allégorie de la foi — à une époque où astronomie et géographie, exploration des cieux et découverte du monde, étaient intimement liés.

Les constellations, peintes selon les motifs mythologiques, sont nettement visibles : on reconnaît la Grande Ourse dans la partie supérieure gauche, le Dragon et Hercule au milieu, et à droite, la Lyre.

Juste devant la main gauche de l'astronome, en partie caché par la draperie qui recouvre la table, se trouve un compas, instrument de mesure de l'astronome et du géographe – que tient d'ailleurs à la main Le Géographe de Vermeer.

Entre ce compas et le globe, également en partie recouvert par la draperie, un astrolabe réfléchit de manière éblouissante la lumière. Ce dernier a été identifié comme celui de Willem Jansz. Blaeu, l'auteur de la carte qui apparaît, coupée par le bord gauche du cadre, dans le Géographe. Cet instrument était alors essentiel pour déterminer la position des astres, l'heure solaire et la longitude.

Un autre astrolabe est dessiné sur la page de gauche du livre ouvert devant l'astronome, sur la table. Il s'agit de l'Institutiones Astronomicae Geographicae d'Adriaen Metius, dans sa seconde édition de 1661, ouvert au chapitre III.

Dans cette section, il est recommandé aux savants, non seulement de s'aider d'instruments scientifiques pour leurs calculs, mais aussi de rechercher « l'inspiration divine ». D'autres livres, symboles de connaissance, sont présents, sur la table ainsi qu'au-dessus de l'armoire, appuyés contre le mur à gauche.

Sur l'armoire est accroché un cadre comportant trois cercles, un grand au centre, et deux autres plus petits dans les angles supérieurs, avec des sortes d'aiguilles partant de leurs centres respectifs.

Il a été proposé d'y voir une manière de projection stéréoscopique, ou encore un planisphère astronomique réglable, en fonction de la date et de l'heure, selon deux disques rotatifs pivotant autour d'un axe commun.

Le tableau qui apparaît dans la partie supérieure droite de la toile, et qui est en partie coupé par la cadre, prend comme sujet Moïse sauvé des eaux. Il illustre le passage du Livre de l'Exode de la Bible dans lequel la fille de Pharaon recueille Moïse confié au Nil par sa mère.

Le même tableau apparaît dans une autre œuvre de Vermeer, La Jeune femme écrivant une lettre et sa servante (1671), mais dans un format manifestement beaucoup plus grand, et selon un cadrage différent, puisque le paysage occupe une surface beaucoup plus conséquente de la partie supérieure de la toile, et que le groupe de personnages s'est éloigné du bord du cadre — comme si le Moïse de L'Astronome n'était d'une citation tronquée et réduite de celui de La Jeune femme écrivant, le tableau-dans-le-tableau se soumettant aux nécessités de la composition.

Après l'invasion de la France par l'armée allemande en 1940, les nazis pillent de façon systématique les biens juifs. La collection d'œuvres d'art d'Édouard de Rothschild est tout particulièrement visée, et celui-ci se voit spolié en novembre 1940 des 5 003 pièces qui la composaient, répertoriées avec un soin quasi obsessionnel par les services de Rosenberg.

Parmi de nombreux autres chefs-d'œuvre se trouvait L'Astronome, que convoitait Hitler bien avant le début de la guerre, et qui est alors marqué au dos d'une petite croix gammée à l'encre noire. Juste après la saisie, Rosenberg envoie un message triomphant aux services d'Hitler pour annoncer la nouvelle « qui, je le crois, lui causera une joie immense ».

Les œuvres saisies sont d'abord réunies et exposées au musée du Jeu de Paume, dans les jardins des Tuileries à Paris, avant d'être réparties entre Hitler et Hermann Göring. Le 3 février 1941, L'Astronome part donc en train vers l'Allemagne dans une caisse frappée « H13 » (« H » comme Hitler, les caisses destinées à Göring étant frappée d'un « G »).

Après avoir été envoyées à Neuschwanstein, dans le château de Louis II de Bavière, les quelque 8 000 œuvres spoliées sont transférées vers une région plus sûre échappant aux bombardements alliés, dans une mine de sel de la montagne Altaussee, près de Salzbourg en Autriche, où elles restent jusqu'à la fin de la guerre.

Elles sont découvertes, et L'Astronome parmi elles encore dans sa caisse d'emballage « H13 », en mai 1945 par les « Monuments Men », un groupe d'experts en art constitué par les Alliés.

L'Astronome est restitué à son propriétaire, Édouard de Rothschild, en 1945. Il est cédé par la famille de ce dernier en dation, c’est-à-dire en règlement de droits de succession, à l'État français, et rejoint La Dentellière, seul autre Vermeer des collections nationales françaises, au musée du Louvre en 1983.

Texte © Smartify | Image : Wikipédia, 2021

1668
Huile sur toile
51.0 x 45.0cm
RF1983-28

Présenté par

Musée du Louvre
Musée du Louvre
Collection permanente

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