Object Image

La Naissance de Vénus (Botticelli)

La Naissance de Vénus (italien : Nascita di Venere [ˈnaʃʃita di ˈvɛːnere]) est un tableau de Sandro Botticelli, peint vers 1484-1485 et conservé à la galerie des Offices. Il a été peint selon la technique de la tempera. Il représente la déesse Vénus arrivant sur le rivage après sa naissance.

Cette œuvre était révolutionnaire à l'époque, car elle présentait un nu sans aucune justification religieuse, ainsi qu'un thème mythologique issu de la culture gréco-romaine antérieure au christianisme. Son interprétation est liée à l'Académie platonicienne de Florence, un cercle intellectuel parrainé par la famille Médicis qui s'est développé dans les domaines de la philosophie, de la littérature et de l'art. La signification est liée au néoplatonisme et à la formulation par Marsilio Ficino d'un concept idéalisé de l'amour où la figure de Vénus est divisée en deux versions complémentaires, la Vénus céleste et la Vénus terrestre, symbolisant l'amour spirituel et l'amour matériel, théorie dérivée du Banquet de Platon.

L'inspiration du sujet de Botticelli peut être trouvée dans des sources littéraires telles que les œuvres classiques d'Ovide et, surtout, Angelo Poliziano, membre de l'Académie platonicienne de Florence, qui, dans son ouvrage Stanze per la Giostra (1494), décrit en vers la naissance de Vénus. Cette œuvre est consacrée à l'amour impossible professé par le noble Julien de Médicis pour la belle et vertueuse Simonetta Vespucci, qui a servi de modèle à la figure de Vénus. Il se peut que le tableau ait été commandé par Lorenzo di Pierfrancesco de Médicis, cousin de Laurent le Magnifique, selon un commentaire de l'historien de la Renaissance Giorgio Vasari, mais aucune preuve documentaire ne l'atteste, de sorte que le commanditaire et la date exacte demeurent inconnus.

Histoire Il est traditionnellement admis que cette œuvre, tout comme Le Printemps, a été commandée par Lorenzo di Pierfrancesco de Médicis, le cousin de Laurent le Magnifique, pour décorer la villa médicéenne di Castello dans la campagne florentine. En effet, c'est là que Giorgio Vasari les a vues quelques années plus tard. Dans la première édition de sa Vie de Botticelli, publiée en 1550, Vasari dit avoir vu ce tableau, ainsi que Le Printemps, accrochés dans cette villa.

Des études récentes semblent invalider cette version : le Printemps aurait été peint pour la maison de Lorenzo dans la ville de Florence, et la Naissance de Vénus, commandée par quelqu'un d'autre pour un lieu différent. La date exacte de sa composition est inconnue, tout comme son commanditaire. On considère aujourd'hui que La Naissance de Vénus a été peinte entre 1482 et 1485, en tout cas après le séjour romain de Botticelli.

Ce tableau était révolutionnaire à son époque, car il s'agissait de la première œuvre de grand format ayant un thème exclusivement mythologique, ainsi qu'un nu, ce qui n'était pas encore tout à fait conforme à la morale dominante de son temps.

Selon la plupart des sources, le modèle de la Vénus était Simonetta Cattaneo, plus connue sous son nom d'épouse Simonetta Vespucci (vers 1453-1476), une jeune femme d'une grande beauté qui mourut à l'âge de vingt-trois ans des suites de la tuberculose. À l'âge de seize ans, elle épousa Marco Vespucci, qui l'introduisit dans le cercle de la noblesse florentine, où elle était très admirée. Elle fut le modèle de nombreux artistes, dont Botticelli, Piero di Cosimo et Domenico Ghirlandaio, au point de devenir le prototype de beauté de la Renaissance florentine. Botticelli l'a représentée, outre La Naissance de Vénus, dans Le Printemps (sous les traits de la déesse Flore), Pallas et le Centaure (sous les traits de Pallas), Vénus et Mars (sous les traits de Vénus), La Calomnie d'Apelle (la Vérité), La Vierge à la grenade et La Madone du Magnificat, ainsi que dans certaines figures des Épreuves de Moïse de la chapelle Sixtine et dans un portrait posthume (vers 1476-1480) conservé à la Gemäldegalerie de Berlin.

Le tableau est resté à la villa di Castello jusqu'en 1815, date à laquelle il a été déposé à la galerie des Offices. Il a été restauré en 1987, lorsqu'une couche de vernis qui lui donnait une teinte jaunâtre a été retirée.

Composition La scène représente à gauche Zéphyr, le doux vent du printemps. Il est représenté avec son manteau bleu pâle fermé par un nœud et entouré d'une nuée de fleurs. L'air s'échappe de ses joues gonflées, représenté par des lignes droites claires. La femme enveloppée d'un manteau vert possède une nature aérienne. Politien, dans ses célèbres Stanze per la Giostra, évoque une brise (aura en latin et en italien), nom qui est repris au pluriel par Vasari.

La Vénus sort des eaux, debout dans la conque d'un coquillage (coquille Saint-Jacques) géant posée sur les flots agités par le souffle de Zéphyr. Sa posture est en « contrapposto », pose typique des statues grecques antiques : ses hanches sont dans une direction contraire à ses épaules, ce qui fait ressortir sa silhouette élancée et gracieuse. Du ciel, tombent doucement des fleurs de myrte. À droite, elle est reçue par un personnage féminin, l'une des Heures, fille de Jupiter (Zeus) et de Thémis ou la divinité du printemps tentant, malgré le vent, de la couvrir d'un voile rouge parsemé de motifs floraux, pour cacher une nudité déjà bien dissimulée par la déesse elle-même. Cette posture témoigne de la pudeur de Vénus.

L'ensemble est animé d'un mouvement de légèreté : les personnages flottent, volent, semblent danser. Le mouvement des fleurs, des cheveux, des vagues et des tissus répond à celui du vent que Zéphyr fait souffler.

De cette composition ressort une sensation de calme : Vénus semble se réveiller d'un rêve, elle nous regarde sans nous regarder, ses paupières sont à demi ouvertes ; elle est nue, également, ce qui est une première dans l'art de la peinture ; d'ordinaire, seules les œuvres religieuses comportaient des personnages féminins dénudés. La mer est paisible avec seulement quelques ondelettes, pas de tempête à l'horizon, le vent est léger.

Interprétation Cette œuvre a souvent été lue selon une clé néoplatonicienne. S'appuyant sur une seconde légende qui faisait d'Aphrodite la fille de Zeus et de Dioné, Platon, dans Le Banquet a imaginé l'existence de deux Aphrodites : celle née d'Uranus (le Ciel) serait Aphrodite Urania (céleste), représentant l'amour pur, spirituel, tandis que la fille de Dioné serait Aphrodite Pandémos (populaire), signifiant l'amour vulgaire, matériel. Cette différenciation entre deux Vénus comme personnifications de deux types d'amour est reprise par l'Académie florentine, dans le milieu de laquelle Botticelli est immergé. Marsilio Ficino, l'un des principaux théoriciens de l'école, a récupéré la figure de Vénus comme modèle de vertu et d'exaltation mystique, et a opposé les deux figures de Vénus comme symboles de ce qui est divin et de ce qui est terrestre chez la femme. Ainsi, dès Le Printemps, Botticelli reprend cette idée, où les personnages représentés symboliseraient le circuit de l'amour, du terrestre représenté par Zéphyr au céleste symbolisé par Mercure. De même, dans La Naissance de Vénus, la figure centrale serait celle de la Vénus céleste, engendrée par l'union de l'esprit et de la matière.

Dans la lignée de ces théories, Botticelli symbolise dans La Naissance de Vénus la dichotomie entre la matière et l'esprit par le contraste entre la lumière et l'obscurité : sur le côté gauche du tableau, la lumière correspond à l'aube (Zéphyr est le fils de Aurore, la déesse de l'aube), tandis que sur le côté droit, plus sombre, se trouvent la terre et la forêt, éléments métaphoriques de la matière. Vénus est au centre, entre le jour et la nuit, entre la mer et la terre, entre le divin et l'humain.

D'autre part, Giulio Carlo Argan (Botticelli, 1957) a souligné une possible concordance entre la mythologie classique et la religion chrétienne : ainsi, la figure de Vénus représenterait l'âme chrétienne sortant de l'eau du baptême. En effet, la similitude de composition entre cette œuvre et Le Baptême du Christ de Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci (vers 1475-1478, Uffizi) a parfois été soulignée. De son côté, Ernst Gombrich (Les mythologies de Botticelli, 1945) a identifié cette œuvre comme la naissance de l'Humanitas, de l'humanité, une incarnation du nouvel humanisme de la Renaissance.

L'interprétation complète de ce tableau dépend de sa relation avec le Printemps. Selon Erwin Panofsky (Renaissance et renaissance dans l'art occidental, 1975), dans les deux œuvres la figure de Vénus occupe la place centrale, bien que l'une soit nue (Naissance) et l'autre vêtue (Printemps), et elles représentent les deux pôles de cette figure mythique : dans la Naissance est représentée la Vénus céleste et dans le Printemps la Vénus vulgaire. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est la Vénus céleste qui est montrée nue, car sa beauté est pure et d'origine surnaturelle. Le Titien a fait le même contraste dans Amour sacré et Amour profane (1515, Galerie Borghèse, Rome). Une autre correspondance, signalée par Edgar Wind (The Pagan Mysteries of the Renaissance, 1972), est la présence de la « Hora Primavera » prête à couvrir la déesse d'un manteau, ce qui reviendrait à dissimuler la vraie beauté, pure et nue ; une fois couverte, elle se transforme en la Vénus vulgaire qui apparaît dans Le Printemps. En fin de compte, l'un est le reflet de l'autre, la beauté corporelle le reflet de la beauté spirituelle, l'amour humain le reflet de l'amour divin.

Certains historiens de l'art comme Gombrich et André Chastel (Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique, 1991) ont également souligné sa concordance avec la religion catholique, dérivée de la tentative de l'Académie florentine d'unir la philosophie platonicienne à la doctrine chrétienne. Ficino en est venu à assimiler Platon à Dieu le Père et Plotin à son fils Christ. Ainsi, les œuvres mythologiques de Botticelli reflèteraient également les valeurs propres à l'art sacré, par un transfert de types qui lierait les images profanes à celles du culte religieux. Selon ces chercheurs, la naissance de Vénus pourrait être liée au baptême du Christ, tandis que le jardin d'Amour équivaudrait au Paradis terrestre. Panofsky souligne également la ressemblance de la Vénus du Printemps avec une Vierge de l'Annonciation. Quoi qu'il en soit, la ressemblance de nombreuses vierges botticelliennes avec des déesses mythologiques est indéniable, étant donné que le modèle des deux types était à plusieurs reprises Simonetta Vespucci..

vers 1484
Tempera sur panneau
172.5 x 278.5cm
00158551
Image et texte reproduite avec la permission - Wikipedia, 2023

Présenté par