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Le Verrou est une scène galante peinte par Jean-Honoré Fragonard en 1777. Il s'agit de l'un des tableaux les plus célèbres du peintre, véritable référence de la peinture du xviiie siècle. L'interprétation commune suggère que la scène représente deux amants enlacés dans une chambre à coucher, l'homme poussant le verrou de la porte.

Cette peinture, véritable symbole de l'esprit libertindu XVIII siècle, reflète l'état d'esprit adopté par les peintres de l'époque, notamment celui de François Boucher, l'un des maîtres de Fragonard et grand représentant de la peinture rococo.

L'œuvre a été commandée dans l'année 1773 par Louis-Gabriel Véri-Raionard, marquis de Véri (1722-1785). Réalisée pour ce collectionneur réputé et exigeant, cette peinture érotique, apparemment légère mais affirmant une ambition réelle, s’inscrit dans un ensemble de représentations amoureuses, parfois grivoises, et éminemment représentatives de l’esprit de la société française à l’heure où les Lumières vont bientôt vaciller. La toile semble inaugurer un renouvellement profond de l’inspiration de Fragonard qui s'était d'abord illustré dans la peinture d'histoire, notamment avec Jéroboam sacrifiant aux idoles, premier prix de Rome 1752. L'obtention de cette distinction permet à Fragonardde jouir d'une immense notoriété. Ses scènes galantes sont extrêmement courues et la noblesse lui passe de nombreuses commandes ; à l'instar de celle du baron de Saint-Julien pour Les Hasards heureux de l'escarpolette (1767).

La dimension érotique de la scène, au-delà de l'étreinte de ses deux protagonistes, s'exprime dans le décor, pour le moins théâtral, qui les entoure. Tout d'abord, la lourde tenture de velours cramoisi, choix de couleur très suggestif, s'enroule et se replie en une forme dont la dimension phallique semble évidente. Véritable symbole du désir sexuel, elle occupe une bonne moitié de l'espace du tableau.

De même, certains verront dans le pli de l'oreiller la représentation d'une poitrine de femme, détail s'opposant ainsi au symbole de la virilité comme un délicat clin d'œil aux attributs de la féminité.

Ces éléments, s'ils peuvent paraître audacieux, sont dévoilés avec une extrême parcimonie, camouflés dans le désordre et la pénombre d'un lit d'amour. Le choix des couleurs va d'ailleurs en ce sens. Les personnages, en pleine lumière, et le lit, tout en nuances de rouge et de marron, invitent à une profonde intimité. Le verrou lui-même, avec sa tige coulissante, est un objet des plus ambigus. La définition qu'en donne le Littré en est d'ailleurs fort suggestive : « Moyen de fermeture consistant en une barre de fer ronde ou carrée, de même dimension dans toute sa longueur, ayant une queue au milieu et un mouvement de va-et-vient entre deux crampons ». Cependant, de grands critiques d'Art, tel Daniel Arasse, estiment que nommer ces éléments érotiques, voire purement sexuels, fait tort au tableau. « Être confronté à l'innommable », voilà ce qui doit motiver le spectateur. C'est à lui d'accepter ou non la destinée de l'œuvre et non à un tiers de la lui imposer, comme une évidence, et cela pour ne pas tomber dans « l'interprétation vulgaire ».

Deux symboles se font face dans la composition du tableau. Le premier est la pomme, éminent symbole du péché originel relaté dans la Genèse. Elle se trouve en pleine lumière, bien en évidence, comme si elle prenait à témoin les deux amants.

L'autre élément symbolique de la toile est un bouquet de fleurs tombé à terre dans l'angle en bas à droite du cadre. Symbole de virginité, traditionnellement jeté en l'air au moment du mariage, il est ici présenté comme dégradé. De plus, il se trouve sous la pomme qui, elle, est posée sur une petite table. Il s'agit peut-être d'une façon de symboliser la victoire du vice sur la vertu.

Vers 1777
Huile sur toile
74.0 x 94.0cm
RF1974-2
Image et texte Wikipedia, 2018

Présenté par

Musée du Louvre
Musée du Louvre
Collection permanente